Panier

    Votre panier est vide.

Billet d'humeur Zazous n°28

Terriens, 
Terriennes,

Notre vie, folle course, course de fous, de poules sans tête courant en tous sens jusqu'à épuisement, en perte de sang, perte de sens, notre course sans but autre que foncer dans le mur annoncé, notre vie dictée par une organisation qui semble impossible à stopper… notre vie s'est arrêtée.

Le système s'est grippé.

Stoppé net.

Angoisse absolue, peur irraisonnée. Le danger est réel et la fin incertaine. Des vies sont en danger. Nos anges gardiens décuplent d'effort pour nous protéger comme ils l'ont toujours fait.

Agitation aiguë, possible préambule de l'effondrement, du collapsus, de l'entropie.

Face à l'inconnu, ressurgissent, du fond de chacun, des instincts de survie. Les uns s'accrochent, gardent le rythme. Ne pas oublier, ne pas perdre pied, rester prêt à sauter à tout moment dans le train laissé hier à quai. D'autres restent prostrés, ne sachant comment agir ou plutôt ne plus agir, dans un profond désarroi, un attentisme inquiet. D'autres, enfin, respirent. Renaissent.

N'entendez-vous pas le silence qui s'est fait ? Ne percevez-vous pas la petite voix si longtemps étouffée au fond de chacun qui, fluette, nous rappelle à la vie ?

À toute chose malheur est bon, dit la sagesse populaire.

La course est finie. Il est temps de l'accepter. De se mettre au diapason de son être profond. D'apprendre à s'écouter ; de retourner le sens vers soi plutôt que de sans cesse s'élancer vers le monde et de vivre en projection ; de résister au monde, au flux continu d'informations qui sans cesse nous noie.

Aujourd'hui, nous voilà seuls face à nous-mêmes. Chance inouïe de pouvoir enfin prendre le temps, de pouvoir enfin prendre soin, d'être enfin à soi et aux siens. De naître enfin à ce qui est, comme l'a exprimé Christiane Singer.

Aujourd'hui tout semble s'être arrêté. Aujourd'hui, tout semble commencer.

À ceux qui pensent : les jours sont longs, Giono répond "Non, les jours sont ronds. Nous n'allons vers rien, justement parce que nous allons vers tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu'ils contiennent, d'en faire notre chair spirituelle et notre âme de vivre. Vivre n'a pas d'autre sens que cela." *

Cette fin n'est qu'un début, celui d'une ère nouvelle qu'il nous faudra construire, jour après jour, sur les ruines du monde ancien. Il va nous falloir inventer la suite, imaginer de nouvelles organisations, se réapproprier nos vies et avancer dans l'entraide et la solidarité. Cette expérience est une chance qui nous est offerte de repenser nos vies, de revoir notre monde.

Ne voyez-vous pas la clarté nouvelle du ciel, n'entendez-vous pas de nouveau les oiseaux chanter dans les cités où leurs trilles étaient masquées par le bruit de nos machines, ne voyez-vous pas ressurgir la vie, revenir les poissons dans les eaux redevenues limpides ?

Gaïa, Terre mère, reprend ses droits, fait couler sa source de vie là où elle avait reculé, renait où nous l'avions piétinée. Démonstration est faite s'il en fallait qu'il suffit d'arrêter nos actions mortifères l'espace de quelques semaines pour que partout revienne la vie.

Il ne faut pas de retour en arrière. Il ne faudra pas tourner la page de la façon dont nous sommes si friands, consistant à chasser toute information par une actualité nouvelle. Ce qui est, sera et doit rester en mouvement, dans le sens de la vie retrouvée, dans tous les sens qu'elle prendra et sans que nous voulions la guider.

Puisque nos certitudes se sont effondrées, acceptons l'inconnu qui s'offre à nous et laissons renaître en nous les enfants émerveillés, capables d'appréhender le monde sans a priori avec une sensibilité neuve et l'humilité des innocents.

Dans l'espoir que le miracle se produise et que nous allons tous mûrir,

Hildegarde,
Zoltan,
Maria Concepcion.


« Tu ne sais pas à quel point tu ne sais pas ce que tu ne sais pas »
Rabbi Nahman


* Merci à Lucile - Librairie La Suite - d'avoir trouvé la citation de Giono, tellement juste et à propos, que nous nous permettons de reprendre !

En pièce jointe, une petite lecture : l'épilogue du livre "Londres, 32 octobre".
Article précédent Article suivant

Laissez un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approvés avant d'être affichés

Translation missing: fr.general.search.loading